Plonévez-Plomodiern

Plomodiern .... sur le poteau …..

Match aller perdu à l’ultime minute.

Amer souvenir du bord de mer.

Match retour.

Dans les terres.

On a pris 2 buts dont un pénalty ….

On a eu 3 blessés ….

Et 2 exclusions…

Oui, le poteau de corner droit, là-bas au fond, a aussi, été exclu pour un vilain geste sur un joueur des GMH.

Certes le geste est involontaire, le poteau étant dans le jeu. Certes le geste est retenu, le poteau étant immobile. Certes le geste est viril, le poteau étant rigide. Mais cela reste un vilain geste.

D’autant que, dans la hiérarchie des poteaux, il est en bas de l’échelle. Un poteau de but, c’est respectable. Il soutient la transversale. Il maintient le filet. Il peut être rentrant ou sortant. Les joueurs le touchent, le caressent, lui parlent, le honnissent ou le bénissent. On lui offre des gris-gris. On l'asperge d'eaux bénites. Le poteau de corner, tout le monde s’en fout. Alors évidemment l’aigreur, le ressentiment, la frustration. Et un jour, le passage à l’acte. Violent. Brutal. Inhumain.
Le geste non vu par l’arbitre, ou à la rigueur sous estimé, ou sans doute minimisé, ou véritablement occulté, ou totalement méconnu, voire même ignoré, a entrainé une blessure de la cheville chez le joueur de Plomodiern.

J’ai tout vu. Je peux témoigner. Je reconnaitrais le poteau. Et le fanion. Pas besoin de portrait robot ou de test ADN. J'ai la photo de son frère jumeau. Mais, lui, je le reconnaitrais entre mille ..

Je n’ai pas l’intention de me substituer à l’arbitre. Je n’en ai pas la prétention.

Mais, mesdames et messieurs les jurés, ce que j’ai vu, je l’ai vu et nul ...

Pardon. Je dérape.

Oui j’ai vu le joueur blessé obligé de céder sa place sous le regard goguenard du poteau. Oui je dis bien que le poteau avait un air goguenard. Et le joueur avait l’air blême. Et avec sa pub pour les ambulances et pompes funèbres sur le maillot, l’air blême filait le traczir. J’en frissonne encore.

J’ai tout vu. J’étais à côté. Je peux témoigner. On peut me convoquer. Je peux envoyer une lettre anonyme. Je peux dénoncer. Inutile de torturer. Débranchez la gégène. Rangez les entonnoirs. Ramassez pals et brodequins. La mauvaise foi c’est maladif chez moi. Et je ne me soigne pas. C’est même un plaisir, une vocation, un sacerdoce. J’ai tout de suite vu que ce poteau avait mauvais genre. Patibulaire mais presque comme disait Coluche. J’ai vu comme je vous vois le poteau agresser le joueur. Sans raison. Sans motif. Sans mobile. J’ai vu ce poteau s’enrouler autour de la cheville du malheureux joueur, comme un boa constrictor s’enroule autour de sa proie pour l’étouffer. Je dois reconnaitre que je ne l’ai pas vu inoculer au malheureux un quelconque venin neurotoxique, mais c’est possible, ayant à un moment détourné les yeux. Mais je pourrais, éventuellement me souvenir de quelque chose si nécessaire.

Mais, mesdames et messieurs les jurés, ce que j’ai vu, je l’ai vu et nul ...

Pardon, je dérape.

Ce geste est inadmissible, inacceptable, impardonnable. Provoquer une blessure à un adversaire doit amener de la compassion, de la contrition, du regret. Pas de l’indifférence. Encore moins de la goguenardise. Or ce poteauavait vraiment un air goguenard. Un brin taquin. J’ai vu ce regard biaiseux. Je peux témoigner. Je peux prêter serment, enfin juste prêter, parce que prêter c’est prêter et reprendre c’est voler …

Mais, mesdames et messieurs les jurés, ce que j’ai vu, je l’ai vu, et nul …

Pardon, je dérape.

Au coup de sifflet final, devant la gravité des faits, un blessé dans l’équipe adverse, le poteau a immédiatement été conduit devant le solennel Bureau des Blessures, Bobos et Balafres des Gars de Plonévez du Faou. (le B.B.B.B. NDLR)

Mais, mesdames et messieurs les jurés, ce que j’ai vu, je l’ai vu et nul ...

Pardon, je dérape.

La commission a immédiatement suspendu, à titre conservatoire le poteau responsable de l’acte d’anti-jeu. Il a été mis au coin, ce qui, il faut le reconnaitre n’est pas une lourde peine pour un poteau de corner. Son fanion triangulaire et fluo, orgueil de la profession a été saisi.

La sanction définitive est tombée quand le numéro 2 de la troïka Plonévézienne, revenu d’un lointain déplacement en terre de merlus a pu prendre part au vote : suspension de match officiel pour une durée de trois mois dont deux avec sursis car il s’agit de la première agression.

Il faut ici être clair : la sanction a été décidée à l’unanimité plus une voix, c'est-à-dire 4 voix, car les deux prétendants au poste de numéro 3 de la troïka, le fourbe à casquette et le petit à la sous-mentonnière ont, devant la situation tragique, exigé de pouvoir émettre leur avis. Avis convergents, témoignage éloquent de la solidarité cohérente de la troïka face à la tragédie. Laquelle troïkai a su, en ces circonstances difficiles, mettre la guerre des clans en sourdine, avec beaucoup d’enthousiasme comme en témoigne le cliché suivant..

Mais, mesdames et messieurs les jurés, ce que j’ai vu, je l’ai vu, et nul …

Pardon, je dérape.

Le dossier a été transmis à monsieur l’arbitre, aux arbitres- assistants, au District, à la Presse, aux Présidents des deux clubs concernés, aux municipalités de Plonévez du Faou et de Plomodiern, à SOS médecins Sans Frontières Du Monde, à la Cour Européenne des droits de l’Homme de la Femme et du Saint Esprit, et à Jean-Jacques Goldmann (qui fera une petite chanson).

Les autres poteaux ont été avertis oralement de la sanction et n’ont pas, pour l’instant, réagi.

Des excuses ont immédiatement été transmises au Président des GMH de Plomodiern par le porte parole de la troïka.

Une consultation gratuite est proposée au susdit joueur auprès du vénérable et néanmoins infatigable praticien des Gars de Plonévez du Faou en cas de points de sutures ou de rupture ligamentaire de la cheville, ou même de simple hématome. Rassurez-vous, il s’est fait la main à la fin du match. A priori, ses connaissances sur ces trois pathologies semblent intactes. On respire.

Et pis on est rentré.
AN