Plounévézel-Plonévez du Faou

Plounévézel Don’t be cruel

A plusieurs reprises, la pluie, entrecoupée de giboulées, suivie d’averses, interrompue par les giboulées, précédée de trombes d’eau, entrecoupée de crachin, m’a privé de ma petite sortie dominicale footballistique. Pas que la pluie, les arrêtés, interdits, vétos, entraves, interdictions et autres suspensions. La Presse locale annonce sèchement : « Le District a notifié un arrêté », ou le Maire communique discrètement « La Mairie a publié un arrêté », ou Jupiter proclame sournoisement « Il pleut et je vous emm….. ».
Mais tout a une fin. Aujourd’hui, on joue. Plonévez a sorti le chapeau rital, la gapette franchouillarde et le bonnet sportif. Le trio infernal.

Bon, le Maire on comprend, Jupiter on s’incline, mais le District, c’est quoi le District ? Le District c’est la mère-poule du foot Finistérien-Sud. L’assurance contre les dégâts des eaux. La vigie des précipitations. Le détecteur de pluie et de boue. La téléalarme du mauvais temps. L’alerte intempéries. Un mélange subtil de Vigie Pirate et de Bison Futé. Tocsin et Sirène. Phare et Balise. Paratonnerre et Parapluie.
Ici, deux godasses de foot sauvées de la noyade… grâce à l’intervention du District.

Le District, c’est du travail à l’ancienne. Rustique. Artisanal. Rural. Moyenâgeux.
Tous les samedis sur les coups de midi, midi un quart, c’est selon, un membre du District sort dans la rue, jette un large coup d’œil circonférentiel panoramique et conclut à haute et intelligible voix « Y pleut » ou « Y pleut pas », c’est selon. Alors, il ne fait ni une ni deux, ni même trois, il programme la tenue du conclave dit du « Y aura match ou pas ? ». Le lieu du conclave, tenu secret, est promptement achalandé en matières premières buvatoires et dînatoires, rapidement pourvu de bottes et K-way, chapeau de paille et sandalettes, et prestement fourni en petit bois sec et petit bois mouillé avec quelques allumettes, et des noix de cajou. (NDLR le District en est friand).
Le conclave se réunit dans l’urgence, dans la convivialité, et dans la grande salle d’apparat. A la fin du conclave, ou au milieu si on n’en voit pas la fin, s’élève une fumée, accompagnée de couplets coquins, grivois, fripons et même paillards suivant la longueur des délibérations. La fumée, blanche ou noire, indique au monde la décision du conclave : blanc, on joue, noir on ne joue pas, c’est selon. Le conclave prend alors fin. Le Doyen du conclave, pose au Président les deux questions rituelles « Acceptario jouare matchem footballi » ou « Refusario jouare matchem footballi ». Le Président confirme le choix du conclave et conclut suivant la formule ancestrale « la messe est dite Edith ». Faut savoir le Latin, le Breton, les entrailles de poulet et le vol des oiseaux pour être Président du District.
Certes, j’ai connu des circonstances où le District a failli, mais il s’agit de circonstances barbares, féroces, inhumaines et pour tout dire rares. Ainsi Phil Land, notre philosophe local se retrouva victime de cette erreur d’appréciation du District. Il n’y eut pas de suite, l’homme se montrant magnanime.

Le District a fait ses preuves : prévention et protection, prévenance et bienveillance, concours et secours, renfort et réconfort, vigilance et surveillance. Un grand corps de l’État au service du peuple, monsieur. Certes, il ne faut pas s’endormir sur ses Aurier, cousin, car le foot a besoin de cette rigueur scientifique, mâtinée d’humanité suave. Le District est la mamma des clubs. Il décide des matchs, des arbitres, des terrains, des sanctions, des récompenses, des réunions, des menus, et de la carte des vins. Le District prône (sur le trône), décrète (de coq), tranche (de cake), arrête (de poisson), statut (de sel), arbitre (de cheval), qualifie (de joie), annonce (apostolique), et communique (ta mère).
Il doit être sévère mon frère, rigoureux mon neveu, draconien mon cousin, despote ma fiotte, vitriol ma taffiole, mais jamais humiliant mon Laurent Blanc. Arbitre n’est pas loin d’arbitraire dans le dico. Et pis confidences sur l’Aurier, même si c’est pas pour… ta fiole, tu peux un jour être concerné.
Et le match. D’abord, une poignée de main coacho-arbitrale. Courtoisie et diplomatie. Depuis l'affaire du PSG les sentiments ne sont plus exprimés. Après, il peut y avoir une resucée sur les réseaux sociaux.

Et la joie du buteur, tout en retenue, en sobriété, en tempérance. Un sage, un modeste, un raffiné.

Il y a, chez ce joueur, de la timidité monarchique, de la pudeur impériale, de la sobriété royale. Un prince du ballon. Un aristocrate du gazon.
Et puis la barre transversale, et la décision arbitrale, cruelle. L’arbitre a regagné les vestiaires. L’Olympe est le refuge des Dieux, mais là, c’est juste les vestiaires de Plounévézel……….
Et pis on est rentré.
AN