Briec-Plonévez

Au menu : Matchenul

Dimanche, encore un match nul, le quatrième match nul en championnat. Score de parité. Dos à dos.

Cela devient notre pain dominical.


D’abord, faut reconnaitre que les gars ne sont pas au point question intendance. On joue en noir. On va jouer chez une équipe dont les couleurs sont noir et rouge. Alors il arrive ce qui devait arriver. Pas besoin de sortir de St Cyr pour le deviner.
Antho, en bon capitaine, est à la tête de ses troupes dans le couloir (en noir !)

Il dirige le salut aux supporters méritoires (en noir !)

Puis il regagne les vestiaires de façon ostentatoire (en noir !)

Le corps arbitral, frigorifié l’attend, patiemment (en blanc ?), sans histoire (en noir ?)

Puis il fait le toss, poliment en blanc (!), ayant chassé de sa mémoire le noir (!), avec les maillots de l’adversaire sur le dos.

Je ne vais pas vous conter la rencontre par le menu, je n’en ferais pas un plat. Mais si, justement, c’est le plat dominical réservé à notre appétit foutballeux : le « matchenul ». Le « matchenul » est une potée improvisée, facile à élaborer :

Choisir 11 joueurs de bonne qualité, bien frais, à point mais pas saignants, musclés mais pas durs, dodus mais pas gras. Les réserver puis les incorporer à feu doux aux 11 adversaires. Laisser mijoter, mitonner, rissoler. On pourrait cuire un peu plus les 11 adversaires, les enfiévrer, les échauffer, mais on pourrait les griller et même les braiser, les calciner, voire même les carboniser. Mais là n’est pas l’intention, car pour réaliser un authentique « matchenul », il faut réserver le même sort aux 22 quartiers.

L’agrémenter d’une portion raisonnable de corps arbitral. Le choisir un peu ferme mais pas trop dur du carton, chaud mais pas bouillant, assez ardent mais pas brûlant, froid mais pas glacial, car il doit rester sobre et tendre pour garder au plat toute sa saveur de « matchenul ». Vous verrez que trop de corps arbitral peut gâcher le plat.
Cuire à petit feu durant 45 minutes en mélangeant bien les pièces des deux camps. Laisser reposer 15 minutes en séparant alors les deux fractions. Mouiller à l‘eau minérale, ajouter quelques quartiers de citron ou d’orange, puis reprendre la cuisson en mettant un peu le feu en fin de cuisson, mais avec modération, un peu de feu. Trop de feu et on pourrait basculer dans la « victoire » ou la « défaite », ce qui pour le moment n’est pas le but.

Arroser d’une pluie plus ou moins drue, bain-marie ou court-bouillon, ou servir nature, sec, à l‘étouffée. Certains ajoutent un petit vent piquant, d’autres une bise glaciale, c’est selon.

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Ce plat vous tient au corps le dimanche après-midi, et même le lundi, et peut aller jusqu’au mardi, car il laisse, suivant les cas, un arrière goût d’amertume ou de soulagement.

Depuis le début du championnat je m’en suis goinfré quatre fois :

Carhaix-Plonévez : mauvais matchenul, froid, insipide, amer, fade, gâché par l’adjonction d’un pénalty qui a dénaturé le parfum initial. Le corps arbitral a débordé, et le plat a cuit trop longtemps, la sauce a tourné au vinaigre, d’où cette odeur de marrons ou de châtaignes, gratinée de noms d’oiseaux.

Plonévez-Spézet : très bon matchenul léger, piquant, relevé, corsé, fleuri, fruité. Sans sauce. Savoureux, facétieux, lumineux, radieux, délicieux façon papillons bleus, relevé d’un bon jus(ju).

Plonévez-Plomodiern : très bon matchenul également mais plus âcre, plus âpre, plus intense, plus terreux. Sans sauce. Entêté, piquant, un peu surévalué, façon new-cuisine.

Briec-Plonévez : bon matchenul, mais trop arrosé, trop mariné, trop mouillé, donc plus indigeste, plus lourd. Un plat éventé, froid, avec trop de sauce, servi sur un terrain trop grand, trop gras.

On pourrait se lasser. J’ai voulu changer et j’ai été à Plounévézel consommer une « défaite». Ils appellent cela la « raclée des Toros ». Ce n’est pas bon. Pour la manger, il faut ramasser une gamelle et prendre une piquette. Le plat est prétentieux, immérité et illégitime, trop fade, trop cuisant. Je n’aime pas la «défaite ». J’ai goûté aussi celle de Lennon, moins copieuse mais tout aussi indigeste. Ils ne savent pas recevoir. On fait l’effort d’aller chez eux et ils nous servent un plat frelaté, aigre, mal assaisonné, tournant à l’amer en fin de rencontre, heu, de repas. En plus, c’est du réchauffé de l’année dernière. Je ne conseille pas le déplacement.

J’aimerais bien goûter à la «victoire ». J’y ai déjà goûté. Il y a longtemps. Mais je voudrais encore m’étourdir de la meilleure, la prestigieuse, la lumineuse, la fastueuse, la somptueuse. Je veux parler de la «victoire en championnat». J’en ai oublié le goût. Je me suis gâté les papilles à force de manger des « matchenul » ou des « victoiresencoup’ » Je voudrais de nouveau tâter de l’incomparable, l’incontestable, l’inexprimable. Avec ou sans sauce. Garnie de lauriers et de caviars. Celle qui fait ficelle, qui est dans la boite. Celle que tu arroses de Coreff, lascivement, voluptueusement, sensuellement, et un peu sadiquement, en écoutant les clameurs des joueurs s’exhalant des vestiaires, comme autant de senteurs entêtantes, et en levant fièrement le menton, toisant avec immodestie et un brin de minauderie, les supporters de l‘équipe adverse.

Je songe, je cauchemardise, j’illusionne, je chimère, j’utopise …je me fais du mal.

Et pis on est rentré.

AN

PS : mes copines du Quimper-Volley ont signé leur première victoire, samedi soir. La semence de pommes de terre, leur sponsor, a immédiatement grimpé dans les Bourses.