Chateaulin-Plonévez

Chateaulin, sonnez buccins !

Actuellement, nous assistons à l’éclosion d’une coutume respectable, d’une pratique chaleureuse, d’une tradition généreuse, à savoir offrir le ballon du match au club de son cœur. Un cadeauqui vient de la passion. Le geste noble du supporter. Le vrai supporter, l’authentique. Faut être objectif, il se fait rare, il est en voie de disparition, d’extinction. Faudrait le mettre dans une réserve, à l’abri, en lieu sûr, le parquer, le consigner, le materner, le mettre sous tutelle, le vacciner. L’inscrire au patrimoine de L’UNESCO. Le mettre sous protection des Casques Bleus. L’exposer au Louvres entre « La Joconde » et la « La Maja nue ». Et même, ultime prévoyance, le réserver pour la reproduction. Dans un hara, ou une maison close, au choix.


Le supporter-type, le dimanche vers 15 heures enlève ses charentaises, ôte sa petite laine, revêt sa gabardine du dimanches et quitte benoitement son petit logement douillet, par un vent glacial, alors qu’il y a PSG-Monaco sur la chaine payante, cryptée, réservée aux abonnés qu’ont payé pour décrypter, Machin-Plus-Bim-Sport-Tévé. Il arrive au stade dans sa petite auto. Il paye son entrée. Il vit son match, agacé, enthousiasmé, irrité, enchanté, crispé, soulagé, désappointé, soulagé. Il se déleste de quelques euro pour une bière éventée ou un café tiède. Il rentre au foyer avec, en bouche, le goût amer de la défaite ou celui exquis de la victoire. L’anonyme. Le furtif. Le modeste. Et un jour, l’envie lui prend. Participer. Intervenir. Collaborer. Le geste fou, irréfléchi, inconsidéré, inconscient, exalté : faire un geste exceptionnel ! Ah oui. Qu’est ce qui te ferait plaisir petit footballeur ? Quelque chose qui est dans mes cordes et que la morale ne réprouve pas ? Comment ? Un ballon ? Mais bien sur, un ballon ! Voila monsieur le dirigeant, le chèque pour un vrai ballon, de qualité princière, gonflé à la pompe à vélo, en plastique de troisième génération façon Kevlar, agréé par la FFF, aux normes PMC, modèle Champion’s League corrigé district, du haut de gamme, genre British quoi !

Et là, tu as le droit au cérémonial. A domicile. Tu es, par la voix nasillarde du speaker, invité à te rendre au milieu du terrain. A l’appel de ton nom, tu sors du rang. Tu franchis la lice. Tu foules la pelouse en compagnie des deux équipes, sous le regard énamouré des spectateurs conquis par la hardiesse, l’audace, l’héroïsme du geste. Tu calmes d’un œil noir l’impatience des joueurs surpris, voire agacés par cette présence incongrue. Tu te concentres sur le ballon, ton ballon, le tien. Au coup de sifflet de l’arbitre, tu fais l’engagement officiel. Tu tapes dans le ballon. Tu fais un plat du pied, c’est la sécurité. N’oublie pas que tu es en godasses de ville et que la glissade suivie de la chute anéantiraient le charme et la pompe de la cérémonie.

Tu reviens alors vers la touche, décontracté, apaisé, les mains dans les poches, fier du devoir accompli, en soupirant : « Vis ta vie mon ballon ! »Et toi, tu es devenu un exemple, un modèle, une icône, un saint… .

A domicile évidemment, car le geste n’est pas totalement désintéressé, il faut en convenir. Et quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’à Chateaulin, à l’extérieur, sur terrain adverse, pour tout dire derrière les lignes ennemies, mon équipe allait bénéficier de ce cadeau princier. Un chateaulinois, sans doute un félon ou un traitre, parrainait l’adversaire ! Je reste coi devant tant d’impudence. Mais la mémoire me revient. Je vous le dit Toux cru, le ballon fut offert déjà l’année dernière, j’avais déjà « traité » le sujet. Les Gars furent séduits par ce geste auguste. « Unpour Le Toux et Le Toux pour un !» devint leur cri de guerre ! Hélas la défaite en avait écorné le souvenir. Le Toux qui brille n’est pas or, certes, mais qui veut crever son ballon l’accuse de la défaite. Cette année, de nouveau un ballon neufet, Le Toux venant à point à qui sait attendre, Le Toux est bien qui finit bien. Le match au ballon offert se termina cette fois-ci par un nul. Certes, mais Le Toux était de ne pas perdre !

La prochaine fois, il faudrait envisager le ballon avec promesse de but en organisant une sorte de Buthéton. Ou carrément le choix entre plusieurs coffrets ballon : le coffret ballon-ouverture-de-score ou le coffret ballon-but-d’égalisation, ou même, avec la demi-bouteille de mousseux et la boite de velouté de homard, mais plus cher évidemment, le coffret ballon-but-victorieux. Le summum du cadeau à faire. Pensez-y ! Tous ces cadeaux sont en vente chez notre petit traiteur Chateaulinois qui tient une petite échoppe, dans une petite rue, avec un petit cochon en devanture. Allez y de ma part, il vous gratifiera d‘une petite ristourne.

Moi j’attend le match retour avec un grand sac isotherme. Les plats cuisinés, c‘est du fragile, faut faire gaffe, surtout quand il y a la quantité, et la variété. Heu, tu as raison chérie, on prendra 2 sacs ou carrément la glacière. Faut prévoir.

Le match ? Je dirais un western à mi-chemin entre Fort Alamo et La Charge Héroïque. La défense a tenu. Fauvel était attentif, décisif, bondissant, vigilant et « cuit » à la fin, avec ses compères Mat et Julien. Ces trois-là ont fait une sacrée partie. Alors un bon match nul à l’extérieur. Encore un, mais celui-là, c’est du costaud. Mon ami Max, passé en terre adverse mais resté dans ma mémoire et dans mon cœur a dû admettre : quand il y a ceux là en face, ça ne passe pas. Allez Max, la prochaine fois. Peut être ….

Et pis on est rentré.

AN