Plonévez-Briec oct 2015

Briec-échec

Encore une fois, au coup de sifflet final, je me demande si j’ai vu mes Gars, si j’ai vu un match. Je me demande même si je suis là. Aujourd’hui j’ai vu « Voyage au bout de l’ennui », d’après le roman de L. F. Céline (oui, je sais,déjà à Camaret ...). Je ferme les yeux et je revois des images…d’épopées mythiques, teintées de jaune et noir. Aventures du temps jadis ressassent les grisonnants. Légendes gloussent les plus jeunes. Fables grommèlent les incrédules.

La victoire de mes pt’its Gars à Plouhinec contre une équipe qui joue désormais en DSR

Le but plein d’opportunisme de Louis, le Grand Louis, le seul, l’unique, à Coray nous qualifiant en Coupe de ….je ne me rappelle plus.

Et puis, un quidam, le genre distingué façon British mâtiné milord, voyant sans doute ma détresse, mon affliction, mon chagrin, s’approche de moi et me susurre à l’oreille ce que je pense être une parole de réconfort, un mot de consolation, un propos d’apaisement.

« Moi, je dis ça, je dis rien …. ».

Bon. C’est vague. C’est vide. Cela n’engage à rien. On pouvait en rester là, se séparer sur ces mots, poursuivre chacun son petit bonhomme de chemin. Mais le gentleman semble porté à la discussion, au débat, à l’échange. Si son amorce est insignifiante, il a de la suite dans les idées. Il est dans le genre obstiné ou vicelard, ou les deux, car il poursuit avec une interrogation un tantinet cafardeuse.

« Moi, je dis ça, je dis rien, mais comment en est-on arrivé là …. ».

C'est évasif, passe-partout. Et en même temps cruel, cynique, provocant mais hélas d‘actualité. Cela appuie là où ça fait mal. Comment en est-on arrivé là, en sachant qu’il ne précise pas d’où on est parti, ce qui limite quand même l’objectivité de l’analyse. Je suis surpris, confus, hésitant, embarrassé. Le doute m’habite (oui, j’aime bien cette expression de Desproges). Là, je ne peux plus me défiler, je ne peux plus fuir. Cela appelle une réponse. Mais le gentleman a du sanguinaire. Il ne s’arrête pas en si bon chemin. Discernant mon hésitation, ma perplexité, il me porte l’estocade, le coup de pied de l’âne, le coup du père François.

« Moi, je dis ça, je dis rien, mais comment en est-on arrivé là, je vous le demande…. ».

C’est discourtois, limite malveillant. Que dis-je, c’est du brutal. Le gentleman, sous des allures de gentilhomme, est un carnassier, un haineux, un sauvage. Il me demande. Il n’exige pas, il n’impose pas, il n’intime pas. Il demande posément, gentiment, paisiblement. Et c’est manifestement à moi qu’il a choisi de s’adresser. On est quelques uns autour de la buvette, il a une demande à faire, et c’est moi qu’il a choisi. Il me pose une question, comme quand, au pied de l’échafaud, on te demande : « voulez-vous vous confesser mon ami, je vous le demande ». Quand tu sais ce qui t’attend, ce n’est pas mortel d’accepter. Ici, pareil. Le temps de préparer ma réponse, le gentleman est déjà passé à la page suivante.

« Moi, je dis ça, je dis rien, mais comment en est-on arrivé là, je vous le demande, car cette fois, on a touché le fond… ».

Là, je suis abattu, affligé, anéanti. Le gentleman m’attendait au tournant. Il me met le nez dedans. Je mesure l’étendue funeste des dégâts, la profondeur abyssale de la catastrophe, l’ampleur considérable du cataclysme. C’est trop. On est au fond, on ne peut pas aller plus bas, ou alors on trouvera du pétrole. Je ne me rendais même pas compte. Maintenant, je ne sais pas. Je ne sais plus. Je marmonne les clichés « les blessures, les suspensions, les absences, les départs et puis les blessures … ».

Mais le gentleman m’objecte qu’il a connu des joueurs que les blessures n’éloignaient pas des terrains. Je sais.

« Mon pauvre ami …. » m’interrompt-t-il de façon catégorique, et méprisante car, d’abord, je ne suis pas son ami, et ensuite, sans être l’Emir du Qatar, j’ai quand même un pouvoir d’achat non négligeable. Et là il m’assène :

« Moi, je dis ça, je dis rien, mais comment en est-on arrivé là, je vous le demande, car cette fois, on a touché le fond. Mon pauvre ami, il faut revoir le dispositif… ».

C’est ça. C’est un visionnaire, le gentleman. Il a mis le doigt sur ce qui nous amené au fond. Les défaites itératives, le classement préoccupant, le nombre de points faible, les départs non prévus, le recrutement chimérique, l’attaque muette, les failles de la défense, le milieu inexistant, les supporters absents, le banc vide. Bien sur, c’est le « dispositif » qui est à revoir. Evidemment. Comment n’y avoir pas pensé plus tôt ? Comme le disent les ministres devant la courbe du chômage, ou le patron d’une chaine de télé devant l’audimat, ou les députés de l'opposition devant la courbe du chômage : il faut revoir le dispositif…….. Il faut faire passer un message fort. Faut déclencher la sirène, donner l’alarme, sonner le tocsin, trompettes et buccins, comme en 14. « Plus près de toi Mon Dieu » jouait l’orchestre sur le pont du Titanic avant le naufrage. Faut prendre exemple. Faire marcher la sono. Faire appel à la chorale. Faire un concert d’AC/DC au Chaudron. Seule une révision globale et complète du dispositif saura nous sortir d’affaire….. Le dispositif est à revoir totalement dans sa pleine et entière intégralité. Il faut que le dispositif soit revu de part en part, de bout en bout et de fond en comble. C’est bon, ça y est, on a les mots. On est sauvé. A nous les lendemains qui chantent. Les buts. Les victoires. Les points. Le maintien. Pas assez fort le message ? Ah bon, la montée, alors….le titre, la PH, et la B en 1ère div’….C’est pas trop fort?

« N’ayons pas peur des ambitions naissantes qui vont éclorent à l’instauration audacieuse de la mise à niveau du dispositif », aurait déclaré le membre du directoire des Gars prestement et judicieusement nommé à la révision stratégique et pertinente du dispositif.

« Et profitons de la révision pour faire un brin de lessive interne » aurait ajouté le même membre du directoire des Gars dans un élan salutaire de nettoyage du dispositif après la révision dudit dispositif.

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Le gentleman a disparu. Mais a-t-il vraiment existé ?
Et pis on est rentré.
AN