Plonévez-Camaret février 2016

Camaret. Y a plus d'titre, excusez.

Tenir la chronique des Gars est prétention d’inconscient. Vouloir faire la pige à Antoine Blondin ou Michel Audiard… Antoine Blondin, le numéro 1 mondial, le Caïd, le Patron, le Maître. C’était un fou de vélo, et du bistrot. Un Empereur du mot doublé d’un Prince de la cuite. Comme au domino un double-six, et à l'apéro un 102 aurait dit Gainsbourg (2 pastis 51 NDLR). Imbattable. Au dessus du lot.
Mon papier est plus modeste, mais il a la même ambition, faire oublier au lecteur ses impôts, sa prochaine coloscopie et la panne du lave-vaisselle. Il faut emmener le lecteur dans le Nirvana footballistique, dans l’Olympe du ballon rond, au septième ciel du foot. Il faut lui chatouiller les narines avec l’odeur de crêpes-saucisse ou de frites huileuses. Il faut lui faire croire qu’il a sa place numérotée au Maracana ou à Bernabeu, que Yohann Gourcuff va lui téléphoner pour avoir l’adresse un bon toubib, qu‘il est le prochain costarisé façon paillettes du Canal-Football-Club. Pour cela, il faut inventer des mots, chatouiller l’alexandrin, triturer l‘accord de participe, caresser la concordance des temps, bref utiliser la dialectique. Travail de trapéziste. Sans filet, roulement de tambour, magnésie et justaucorps. Faut du double-salto, du flip-flap avant, du double carpé arrière pour accrocher le lecteur mais une fois qu’il a décollé, qu’il a la tête dans les étoiles Panini, tu l’as à ta pogne. Il est ferré.
C’est facile si le match de foot t’a emballé, et victorieux. Parce que, si le match a été ennuyeux, et perdu, les mots ne viennent pas. Le marchand de mots ne passe pas. Retenu au portillon de l’ennui, au péage de la neurasthénie, au portail de la morosité.
Tiens un score pris au hasard ………


Oh, bien sur, je rapporte, je traduis, mais avec des phrases toutes faites, sans flamme, sans élan, sans fièvre, le genre cliché passe-partout. J’ânonne, j’englue, je soliloque, je ronchonne. Je trempe ma plume dans mon réservoir de larmes, et crois moi, j’ai de quoi écrire des pages. Pas facile quand, comme depuis quelques prestations, j’ai la ferveur au point mort, je névrose, je cafarde, je neurasthénise, je mélancolise…..
Tiens un score, pris au hasard, encore……


Le lecteur s’ennuie, se pose des questions, peut même s’en aller, ou rester devant la télé. Bon, dans ces cas où il y a carence d’émotion, je tente le raisonnement fatal à trois bandes : l‘équipe, l’adversaire, la malchance.
L’adversaire change chaque dimanche. On perd chaque dimanche. Il serait malvenu, vous en conviendrez, de désigner tous les adversaires responsables à la fois de tous nos échecs. Pas tous. Et sans adversaire, on pourrait gagner, mais sans ennemi on triomphe sans gloire, c‘est connu.
Notre équipe ? C’est une équipe en devenir, d’avenir, en herbe, en perspective, prometteuse, qui éclot au fil des matchs, comme fleur aux printemps et acné à l‘adolescence. Bon, pour l’instant, on attend, on espère, on attend, on escompte, on attend, on suppute, on attend ….…..
Alors , personnellement, j’explique l’échec par le manque de chance. La malchance, la déveine, la guigne, la poisse, la scoumoune. Lorsqu’on perd par 1-0 ou 2-1, on se dit « ah, pas de bol, à un but près ….on avait un nul ». Tu vois, on reste modeste. On n’envisage même pas la victoire. On ménage le lecteur. Depuis la nuit des temps, on envoie au tombeau des tas de bons garçons en leur promettant le Grand Soir. Alors, restons modeste.
Surtout que le but de l’adversaire est, soyons objectif, rarement de qualité exceptionnelle. Ce sont tous des buts chanceux, sur des actions fumeuses, contre attaque hasardeuse ou centre dévié , facilités par une saute de vent funeste, entachés d’une erreur d’arbitrage évidente, et au pire moment du match. Ces buts-là, nous, on refuse de les marquer. On marque soit des buts « csc », buts honteux, sous X, clandestins, soit des péons et encore , on nous met des bâtons dans les tibias, car il faut d’interminables jacasseries entre notre juge de touche et l’arbitre pour obtenir un malheureux penalty. Amplement justifié, est-il besoin de le rappeler, oui rappelons-le quand même. Et du fait de cette perte de temps en palabres inutiles, soyons objectif, on perd le match par 2-1 « pas de bol, à un but près…. »


Déçu par le résultat, le lecteur est réconforté par mon explication. Il comprend. Suffit d‘expliquer. Un peu de psychologie ne nuit pas à l‘art Footballistique. Ragaillardi, il redevient supporter, et reprend la direction du stade Yves-Bégoc. Et c’est gagné.
Le match ? Quel match ? Sans commentaires aurait dit César, dont la principale œuvre s’appelle d’ailleurs « La guerre des goals ».
Et pis on est rentré.
AN