Plonévez-Poullaouen sept 2015

Poullaouen à la peine ….

Après sa victoire en première journée de championnat, l’équipe de Poullaouen était sereine, un peu hautaine, châtelaine et même souveraine. La besace pleine, des quatre points acquis l‘autre semaine, elle pensait surfer sur la même veine, et nous laisser à la traîne. Mais en cinq minutes, Antho, le croquemitaine, a brisé la porcelaine, puis Kévin leur a donné la migraine, et Lucas, un Trom’s son a complété les étrennes.
On a marqué 3 buts dans un match sans en prendre un seul. Et c'est pas des balivernes.
Tout le monde est content … sauf … LUI . Lui, c’est le trésorier. Celui qui s’occupe des sous. Not’ Onc’ Picsou à nous. Son domaine c’est le pognon, le pèze, le grisbi, la braise, la thune, la fraiche, le flouse, la mitraille, le blé, les ronds, les pépettes, les picaillons, la mitraille, les joncs, la galette. Y connaît tous les mots.
Si tu oses lui demander une aide financière, deux situations;
S’il est de bonne humeur il te répond « ça me gène, Eugène (il a toujours le bon mot) mais je ne peux pas, tu comprends, les impôts m’étranglent, les taxes m’asphyxient, les assurances m’étouffent, les faux-frais m’assassinent, sans compter les arbitres qui deviennent des rapaces, les joueurs qui veulent du pain frais au casse-croûte, le président qui veut une sono de concert, l’entraîneur qui veut des ballons isocaédre tronqués en polyuréthane, bientôt le bénévole réclamera une indemnité, j‘peux plus…. ».
S’il n’est pas de bonne humeur, il ne t’entend pas, atteint de surdité pécuniaire le gars. Puis après un moment de réflexion, il te propose « un poker, étranger … », sortant de sa poche cinq as et six dames de pique.
Il a fait l’acquisition, sur internet, gogo.com son site préféré, d’un kit de nettoyage de chaussures de foot. Un football-shoes-washing d‘après la publicité. Bon, c’est pas extraordinaire, mais comme il le dit, « pour le prix …».


Il a autorisé l’achat, en occasion d’un rouleau Massey-Ferguson révolutionnaire, up-to-date. Une bête de concours, toujours d‘après le site gogo.com. Bon, il fallait le monter soi-même, comme chez Ikéa, et soi-disant il y avait deux roues en trop. Parce que un rouleau monté sur pneus, c’est plus un rouleau, c’est un canon modèle 75, ou un porte-missiles, ou un scooter, mais comme il le dit, « pour le prix … ».


Pour lui, ce qu’on paye devrait être gratuit, et ce que les autres nous doivent, ben ils nous le doivent. C’est primaire, mais efficace. Un raisonnement qui a fait ses preuves. C’est un personnage discret. La parole est d’or, alors tu comprends qu’il parle peu. C’est un personnage solitaire. Les bons comptes faisant les bons amis, alors tu comprends qu’il ait peu de bons amis. On lui doit quelque chose, oui je sais on lui doit toujours quelque chose, mais on lui doit de se donner à fond pour le club. Certes, c’est la seule chose qu’il donne, mais cela on ne peut pas le lui enlever, et d‘ailleurs j‘essaierais pas de lui enlever quoi que ce soit.
Le soir, à la lumière blafarde d’une chandelle volée au presbytère voisin, il travaille, il compte, il comptabilise, il chiffre, il calcule.


Il se fait du mal. Mais il ne peut pas s’en empêcher. Additionner, soustraire, multiplier, diviser, ces verbes lui sonnent à l’oreille comme autant de berceuses enfantines. C’est un poète, mais lui ce qui l’anime, c’est la poésie des chiffres.
Pas payer, c’est son idée fixe. C’est obsessionnel. Et là, il est imbattable. Il est le Lance Armstrong de l’ardoise, le Ronaldo de la quittance, le Teddy Riner du chèque en bois. Une galerie à lui tout seul. Le musée de la résistance à la redevance. Une épée. Un cador.
Et quand, le match fini, il doit se résoudre à rejoindre la pièce allouée à l‘arbitre, pour lui verser le prix de sa prestation, c’est un calvaire.


Le match est gagné, il y a eu des spectateurs, il fait beau, la buvette tourne, mais cela ne lui redonne pas le sourire. Il sort de là, défait, dévasté, ravagé, la note de frais à la main, cause de son chagrin, motif de sa peine, origine de son désespoir.


On est peiné de le voir ainsi. On a envie de le prendre dans ses bras, de le serrer bien fort, de lui susurrer des mots tendres, mais rien à faire, il fait la gueule et une sévère. Surtout si l’arbitre a droit à des indemnités kilométriques, parce que …. pourquoi on va pas chercher un au Kamchatka ou dans la Cordillères des Andes pendant qu’on y est … Rien à dire. Faut rien dire.
Et pis on est rentré
AN