Plonévez-St Goazec-Spézet "B"

Saint Goazec puis Spézet "B"

Tu vois, le dimanche c'est comme un bon repas dominical. Au resto. En famille.

Avec un menu classique, entrée et plat de résistance, et puis un petit gobelet payé par le patron quand il est de bonne humeur, et que le repas a été à la hauteur, ou quand il ne peut pas se défiler.

Dimanche dernier, on avait été prévenu, il y aurait du personnel en moins. Tu sais par les temps qui courent, la main d’œuvre est très aléatoire. Un repas d'anniversaire inattendu, un stage à l'étranger inopiné, une fracture imprévue voire une amourette soudaine et voilà la lettre d'excuse qui tombe sur le smartphone du responsable local.

« Je ne pourrais être des vôtres dimanche, et croyez que cela me chagrine on ne peut plus, mais un empêchement de dernière minute vient contrarier mon projet dominical, et soyez assuré, monsieur le responsable local, que vous m'en voyez le premier marri, car bien qu'étant absent physiquement par la force des choses, je serais à vos côtés par la force de la pensée, et que mes espoirs de vous voir satisfait par le résultat final de la journée qui se prépare et à laquelle je dois renoncer pour, comme je vous le mentionnais plus haut, des motifs qui dépassent ma détermination indéfectible, que mes espoirs, disais-je plus haut, faudrait suivre monsieur le responsable local car mon forfait ne me permet pas de me répéter ad libitum, je parle de mon forfait téléphonique bien sur, que mes espoirs donc de vous voir satisfait seront exaucés, ce qui nous permettra de nous unir de concert et d'une seule voix, à l'unisson, dans la célébration ultime du projet commun qui nous tient à cœur, conjointement, à savoir la victoire. Veuillez recevoir, monsieur le responsable ….etc, etc. ».

Le glas résonne au clocher de la cité. Cité paisible, encore endormie, ignorante des luttes intestines qui se déroulent sur le pré voisin.

Le coach de la « B », placé devant la terrible réalité ne se dérobe pas et rejoint sa place.

Le coach de la « A » s'abandonne au désespoir, sombre dans le désolation, s'abîme dans le désespérance. Il mugit, il beugle, il brâme. Sur cette photo, floue car prise à la volée, le personnage était à l'apocalypse de sa fureur et de son désespoir, donc dangereux d'approche ......

"Qu'à cela ne tienne, Etienne". Oui, il s'en prend souvent à notre vénéré dirigeant. "Qu'à cela ne tienne, je vais ponctionner la « B ». Il n'est pas dit qu'on se fera voler la victoire par les papillons, si bleus soient-ils".

Et ce fut la ponction, la déglobulisation, la saignée plutôt. Le sacrifice expiatoire sur l'autel du Club. L'immolation cruelle aux marches du vestiaire. Le châtiment ultime au tabernacle du match.

Le tocsin succède au glas au clocher de la cité.

La « B » est exsangue. Onze joueurs. Un blessé au bout d'un quart d'heure. Le coach de la « B » montre quelques signes d'agacement.

Un deuxième blessé durant la dernière demi-heure, et voilà l'équipe réduite à dix. Équipe qui eût mérité le nul face à cette équipe de haut du tableau.

Le coach de la « B » regagne les vestiaires, la tête basse. César poignardé par Brutus. Vae Victis. Morituri te salutant.

Il leur dit dans les vestiaires « Vous fûtes héroïques, valeureux, généreux, fougueux, belliqueux. Vous méritez mon respect. Vous êtes battus certes mais pas abattus, poil au cul », car l'homme n'est pas avare de bons mots.

Quant aux joueurs déplacés, ils rentrent sur le terrain, sous les lazzis et les quolibets d'une foule loin d'être dupe. Chez le premier, le plus grand, domine la pudeur, l'attrition, le repentir, le remords peut-être. Le second ne peut retenir ses larmes.

Hélas, quelques instants plus tard, le premier, le plus grand, le plus franc peut-être, ou le plus fourbe, va savoir, ne peut dissimuler son contentement.

Quand aux larmes du second, elles ont bien séché.

La victoire efface tous les scrupules..... .

La volée succède au tocsin qui succède au glas au clocher de la cité.

Et pis on est rentré

AN

PS : Paul, je t'ai pas vu. Peut-être que t'es toujours à l'heure d'été. Faut que je me fasse une raison, j'ai des hallucinations.

"La revivance des disparus ne va pas sans quelques insomnies." Michel Audiard.