Plonévez-Ploermel mai 2015

Colère !

Double colère.

D’abord, j’avais un bon titre, avec la rime et tout « Ploermel … Cruel ! ». Du titre qui claque. Qui annonce la couleur. Qui interpelle. Et qu’est-ce que je le lis dans la presse locale ? Mon titre. Subtilisé. Raflé. Carotté. Volé. Me voila spolié, détroussé, délesté d’un bon titre. Voila, on fait confiance et le coup en traitre. Moi je dis, y en a qui ose tout.

Ensuite parce que c’est le dernier match de la saison au stade. Le match du maintien pour les filles.Un public de passionnés a fait le déplacement, malgré les embruns, le froid, et la fête des mères. Mais personne ne nous attend ! Le guichet est déserté, la buvette est fermée, le tableau d’affichage est abandonné, l’arbitre officiel s’est défilé.

Et les filles sont là. Fières pour la fête des mères.

Heureusement, la buvette, telle la Bastille, est investie en fin de partie par des factieux. Le score, non affiché, n’est, hélas, pas compliqué à retenir. Le camarade Lecerf est impérial et même napoléonien dans son rôle d’arbitre de la dernière heure.

Mais par contre le guichet est resté fermé. Preuve ultime du mépris, c’est gratuit ….On aurait pu au moins installer un tronc, une sébile, une assiette sur un tabouret, comme aux toilettes publiques, avec une pancarte écrite au crayon-bille : « Pour les pauvres filles en short par ce froid polaire ». Parce que gratuit, ça met un doute. Une gratuité ça étonne, ça interroge, sauf si tu expliques : Pour le match des gars payé, celui des filles est gratuit. Bon là tu comprends. Ou même Pour la fête des mères, le match des filles est gratuit. Là encore, t’es rassuré. Ou même : Regardez d’abord et payez plus tard ou Satisfait ou remboursé. Là, tu te méfies pas. Ou encore – 50 % sur le match de filles ce dimanche. Bon d’accord, tu ne sais pas quel est le prix, mais – 50%, t’es gagnant ! C’est sûr. Alors que gratuit… Tu entres comme par effraction. Sur la pointe des pieds. La main moite enserrant le billet de 5 euros, prêt à t’excuser, à te justifier. Tu penses que l’on va t’interpeller au micro. Ou qu’un vigile va gentiment te demander de l’accompagner. Ou qu’à la sortie, le portique va hurler à ton passage. Bref, par les temps qui courent, la gratuité reste suspecte, voire méprisante.

Laissons passer une première réclame ….

Et cela éclaire mon courroux de supporter de base lâché par sa direction. Négligence ? Sexisme ? Misogynie ? Oubli ? Seul le dirigeant Le Baut, sait faire preuve de grandeur d’âme en offrant une rose à chacune des mamans de l’équipe. Geste princier et même royal. Un geste noble chez cet homme rude. Tout en gentillesse, galanterie et sollicitude. J’ai cru, je ne peux l’affirmer, mais j’ai cru voir une larme couler sur le cuir tanné de la joue burinée du visage cuirassé de cet homme tourmenté.

Car sous le cuir épais se cache un cœur. Et ce cœur de glace s’est liquéfié devant les mamans en short, physiquement épuisées à la fin du match. Et ce cœur de pierre s’est fendu devant les mamans en short, sauvagement arrachées à leurs enfants en ce jour de fête. Et ce cœur d’airain s’est déchiré devant les mamans en short, tristement isolées dans la défaite. Une rose à chacune ! Méthodique, il a préparé son coup. Il a calculé avant. Sur les convocs’. Et sur ses petits doigts. Celle-là maman, celle-là pas maman, celle-là pas maman. Il a mis quelques sous dans son porte-monnaie. Il a sauté dans son auto. Il est passé chez la fleuriste. Et il est venu au stade, cachant fébrilement les fleurs sous son aube pérestroïkale, pour garder l’effet de surprise. Il les a subtilement mélangées aux baguettes de pain du casse croûte. Puis les a offertes à chaque maman. Avec un petit mot gentil. Claquant même une petite bise, je crois. Les violons se sont mis à pleurer. L’harmonium a entamé une cantate. Joan Baez a chanté a capella. JJ Goldmann a composé une chanson. Y avait de l’émotion, du traczir, du feu aux joues, de la larme à l’œil, de la sueur au front, de la moiteur aux mains.

Laissons passer une petite réclame ...

Tu vois d’ici le côté grandiose mêlé de modestie. Solennité et intimité. Majesté et discrétion. Faste et confidentialité. Frédo, le fidèle adjoint, son second, son porte-flingue, son co-coach, ébranlé par cette humanité naturelle est parti en parler à l’oreille de ses amis les chevaux, lesquels lui ont susurré « Tu vas voir,le Pascal, il va faire … le Beau ».

Et effectivement, le doigt levé, le menton en avant, l’œil brillant, la narine palpitante, le coach fait la leçon. Il explique les bonnes manières. Celles pratiquées dans les cours royales, les Habsbourg ou les Hohenzollern et même à la Cour de Russie. Et la rose. Cultivée par Childebert 1er puis par Joséphine de Beauharnais, consacrée par la Cour d’Angleterre qui en fait son symbole. Et le respect de la femme. Répandu à Sparte, et chez les Médicis et les Valois. Et les rosières. Ces jeunes filles dont la conduite irréprochable, la vertu, la piété et la modestie sont récompensées par une couronne de roses. Y connait tout, le coach. Forcément, il est coach.

Laissons passer une petite page de publicité …

Et le match ? Ah là là. Quand même. C’est pas possible. Oh non. On va le regretter. Et voila. Evidemment. Ben oui. Mais fallait. Avant.

Fin.

Le guichet est resté fermé.

La buvette nous a asséché.

Le panneau est resté délaissé.

L’arbitre nous a plaqué.

Les filles vont rentrer. Les roses vont se faner. Le coach va se coucher.

Et pis on est rentré.
AN

PS : Des esprits chagrins ont regretté le retard dans la parution de l’article, et que, quand c’est pour les garçons c’est prêt à l’heure, le vendredi ou le samedi, et que l’article est mieux ficelé, et qu'il n'y a pas de pub’ et gnan gnan. Et ben moi, je dédaigne, je néglige, j’indiffère. Les chiens aboient et la caravane passe et dérape sur la bave du crapaud et écrase la blanche colombe indemne de la bave.