La croisade de Crozon

Oyez, oyez, braves gens, je m'en vais vous conter, avec sincérité et sans emphase, l'expédition victorieuse des Gars en terre crozonnaise, laquelle les vit se couvrir de lauriers en cette terre lointaine, où abondent goémon, varech et autres algues brunes que l'autochtone utilise pour l'alimentation du bétail, le chauffage des masures ou l'engrais des cultures. Bon revenons à notre récit :

Un premier but de Kevin.

Oui, alors Kévin, je tiens à te faire part de mon courroux. Je viens de prendre une saucée à Châteauneuf, j'y ai laissé deux parapluies quasi neufs, perte matérielle certes, mais aussi sentimentale, j'ai 1 heure de route dans les pattes, j'ai payé mon entrée au guichet. Alors s'il te plait, ne marque pas à la 4 ème minute. Laisse moi prendre mes marques. Prend ton temps ou bien marque plusieurs buts. Merci.

Martin marque le deuxième but en prenant à contre-pied son arrière. Un contre-pied sans l'ombre d'une discussion, la preuve....Normalement cela se répare.

Benoit, le gardien des Gars a vu le but de près. Une vision terrible, dantesque, cauchemardesque. L'ACC-story est encore dans toutes les mémoires, mais Ben' sait motiver ses troupes. "Soooooooorteeeeeeez !!!!!! ", ou alors c'est pour la photo "sourieeeeeeeeeeeez !!!!!"

Et ce devait arriver arrive, on encaisse un but. Lucas, après avis du capitaine, décide de continuer le match, et rapporte cérémonieusement le ballon au centre du terrain comme un Jivaro rapporte à la maison la tête réduite de son ennemi. Car, il faut le dire, la sphère de cuir (le ballon NDLR) s'est rendue coupable du crime de lèse-majesté, entrer dans notre but sans autorisation préalable, probablement poussée par un pied ennemi certes, mais cela ne constitue pas une excuse valable.

Pendant ce temps-là le Landrein soigne sa popularité …Bientôt les autographes, les selfies et ….Sacré Landrein, va...

Glenn, fidèle à sa réputation, attire les défenseurs et mérite un pénalty sur cette action, mais l'homme est rusé, matois, retors. Ceinturé par un premier défenseur, Glenn attire un deuxième défenseur et ….

sert Julien qui marque dans le but vide. Cela ne transpire pas sur le visage de Julien, car l'homme n'est pas démonstratif. En fait, il explose de joie, mais de cette joie intérieure, cette joie d'entrailles, cette joie intrinsèque, contenue, refrénée, refoulée, réservée, tout en mesure et en self-contrôle. Le genre de bonheur intime qu'exprime un moine bouddhiste lymphatique et névropathe, les chakras fermés, en plein coma spirituel. Un exemple de sérénité qui force l'admiration.

Par contre, d'autres, toujours les mêmes, sont avides de gloire et veulent à tout prix être sur la photo. Et nous à Plonévez, on a le champion toutes catégories. Le parasite du cliché. Le pou du photographe. Le cafard de l'album-photo. Ce gars- là a une âme d'artiste, attiré par les ors et les lumières. Il sait tout jouer sur un terrain : le drame, la comédie, l'art lyrique, la tragédie, le vaudeville, la pantomime. A la fin du spectacle comme tout grand comédien, il entend être dans la lumière. Et il la cherche la lumière ...du flash. Et le voilà qui se se faufile, s'insinue, se glisse, se coule, se trémousse, jusqu'à toucher au but ultime, être sur la photo...... . Quitte à faire de l'ombres aux autres, Tanguy, pardon, tant pis pour les autres.

Et pis on est rentré.

AN

PS : J'ai reçu un petit mot de New-York, signé de l'amiral es-cadre. Classieux, l'officier. Je me désespérais de ne plus voir son athlétique silhouette fendre l'air le long de nos lignes de touche de cet entre-pas léger et désinvolte, lequel excitait la convoitise de tous. Il reviendra, avec les vents favorables. On pourra de nouveau le voir, avant le match, s'abandonner dans un profond recueillement méditatoire, comparable à celui qu'affichait le grand Duquesne, devant Palerme, avant d'écraser les hispano-hollandais.