Poullaouen-Plonévez 3 avril 2016

Poullaouen : L’honneur d’un capitaine

Poullaouen est un charmant village breton, niché entre Monts d’Arrée et Montagnes Noires, enveloppé de bruyères et d’ajoncs, né sur les mines de plomb et d’argent, reconnu comme capitale de la Gavotte.


Le dimanche, s’ébattent sur le terrain, quand il est praticable bien sûr, de petits lutins orange, sous le regard de l’homme au drapeau ayant conservé le bragou-braz de ses ancêtres. Nostalgie, quand tu nous tiens…..…


Bon, j’arrête, ça fait commentaire de FR3-Région.
Nous, on n’est pas venu pour batifoler. On n'a pas fait le déplacement pour musarder dans la campagne, pour folâtrer la marguerite au bec.
Le dessein c'est le maintien en D1. Et not’ capitaine tient au maintien. D’où mon premier titre, sublime dans la pertinence, « Poullaouen : Romain tient au maintien ». N’en déplaise aux pisse-vinaigre, si l’on s’en tient à la rhétorique pure, je dirais que ce titre, mon titre, est un joyau, qui eût pu faire un titre souverain si on avait joué contre Poullaouin. Je tiens le jeu de mots facétieux, l’astuce à trois balles, le calembour badin. Bon, mais Poullaouen se prononce « poulawen », la rime foire, et mon titre finit en eau de boudin.. Je le babille au capitaine des jaunes.
Surpris, Romain est grognon en entrant sur le terrain.


Je m’obstine. Je m’entête. « Poullaouen : pour que Poullaouen se maintienne … ». Et voilà le joli titre que voilà. Il y a de la rime riche, du rythme, de la sonorité. Faut de la culture footballistique pour le comprendre. Être au courant du classement. Mélange de culture et d’information. Le résumé audacieux, le raccourci frondeur, la synthèse scélérate. Mais, la répétition tue la spontanéité, deux fois Poullaouen, évidemment ça alourdit le titre, ça le rend moins aérien. Je le marmonne au capitaine des jaunes.
Agacé, Romain est grognon, même après son but.


Je persévère. Je persiste. «Poullaouen : victoire à la romaine ». J’ai tout en condensé. C’est, à mon avis, le coup de génie linguistique, l’acrobatie lexicale, le double-salto épistolaire, la rime alambiquée. Abouti, mais finalement trop compliqué. Qu’est ce qu’une victoire à la romaine ? Certes le capitaine est romain, enfin il se prénomme Romain, et il a remporté la victoire et marqué le but victorieux. Mais si je dis victoire à la Romain, ça ne rime pas et ça veut rien dire. Je le susurre au capitaine des jaunes..
Contrarié, Romain est grognon, toujours après son but.


Je m‘attache. Je m‘acharne. « Poullaouen : après Quimper, on enchaîne ». Alors là, j’ai tout bon. Il y a de la recherche. Il y a de la rime. Il y a du positif. Tous les ingrédients du bon titre. C’est du titre pour les experts du foot, les érudits du classement, les calés du championnat . Le titre d‘une chronique sportive de qualité et de haute tenue. Je le murmure au capitaine des jaunes.
Irrité, Romain est grognon, aux vestiaires.


Je m‘accroche. Je m‘échine.« Poullaouen : à la peine … ». C’est bon, facile à retenir, un poil simplet, voire sommaire, limite quelconque mais bien tourné. Je crains cependant d’être un brin condescendant, limite arrogant. Le Poullaouen’s boy pourrait se contrarier, s‘agacer, chagriner. On a vu des guerres commencer pour des motifs plus futiles. Poullaouen ne sera pas le Sarajevo breton, et je ne suis pas l‘Archiduc d‘Autriche. Je le chuchote au capitaine des jaunes.
Renfrogné, Romain n'est plus grognon. Il..... explose de joie pour la photo du buteur heureux......... Moment d'euphorie inoubliable ..........


Faut reconnaître, je commence à fatiguer. Certes, j’ai du caractère, de la ressource, du potentiel, mais le neurone est fragile, vulnérable, et souffreteux. Il fut un temps où, avec deux verres de Coreff et un sandwich jambon-beurre, je te sortais trois pages de chronique estampillée haute qualité. Du haut de gamme. Du trois étoiles. La chronique confine alors au chef d’œuvre, au joyau, à la perle rare. Je parle en connaisseur, car j’ai côtoyé des cadors de la rime, tous inscrits au Panthéon du titre, par ordre alphabétique. Mais la recherche permanente de l’exploit narratif peut engendrer le surmenage cérébral, provoquer la pénurie de mots et conduire à l’épuisement tragique, dantesque. J’ai, hélas, connu des chroniqueurs qui se sont gâté la main à la rime compliquée. Des amoureux de la poésie antique. Des adeptes de la versification classique. Des adorateurs de la césure et de l’alexandrin. Beaucoup ont basculé dans l’argument de vente, le message de boutiquier, le slogan publicitaire du genre « Y a bon Banania » ou « La Blédine, la seconde maman ». Faut reconnaître la déchéance, la décrépitude, la descente aux enfers. Et je passe sous silence « Heureux comme un 51 dans l’eau » ou « Le vin des Rochers, le velours de l’estomac ». Quant à l’auteur de « Dubo..du bon..Dubonnet », un brillant essayiste, un poète confirmé, sa famille l’aurait renié.
On s’en fout, on a gagné.
Et pis on est rentré.
AN
PS : « L’honneur d’un capitaine » est le titre d’un film de Pierre Schoendorfer de 1982 avec Jacques Perrin, Nicole Garcia, Charles Denner, Georges Wilson et …Florent Pagny. Toute une époque, la mienne.