St Goazec-Plonévez

ACC-Plonévez-Saint Goazec : 0-2-0.

A coté de mon dimanche footballistique, l’expédition polaire du commandant Charcot relève d’une aimable promenade au pays de la Princesse des Neiges. Nous partons dès le début de l’après-midi, après avoir avalé un copieux brouet gras au vermicelle, agrémenté de quelques croûtons et d’un carré de bouillon Kub. On sait que la météo est féroce, il faut des calories. Nous partons donc pour Carhaix, pour cette morne plaine de Kérampuill, waterloosque, balayée par une bise glaciale.
L’endroit est désert. Je m’intéresse à deux personnages emblématiques...
Tel un fantôme surgissant de nulle part, apparaît Pascal 1er le Beau, duc-pair de Kervriou. Le duc, certes de petite noblesse mais de haut rang et de grand nom, est revêtu de la sainte chasuble, la tête couverte par la divine capuche. Il arbore à gauche les armoiries des Gars, jaune et noir, et à droite ses armoiries, deux pieds de porc en sautoir sur fond de galantine, surmontés de la devise « Qui vivra verrat ». Il avance d’un pas décidé, vers la cahute qui lui servira d’igloo, insensible au froid polaire qui hérisse les poils du Duc (?), serrant dans ses petits doigts gourds la précieuse mallette, celle qui renferme les onguents, baumes et autres liniments salvateurs. L'homme est chargé de mission. Il est le superviseur de l'équipe B, et comptable de la mallette divine. La charge est lourde, ingrate, risquée, mais il sera à la hauteur..


Et le valeureux gardien de but. Seul dans sa cage par cette température glaciaire. Il se les pèle, Angèle. Le gardien a les doigts gercés et semble avoir une prise de balle difficile, mais ceci est dû au froid ou à mes yeux, ou aux deux.


Enfin, le froid, toujours lui, semble paralyser notre gardien qui a du mal à sauter pour claquer la balle au dessus de la transversale.


En allongeant les bras, cela va mieux, mais esthétiquement c’est pas parfait.


En réduisant la hauteur du but, cela va mieux, mais sportivement c’est pas parfait.


Alors. Fermons les yeux. Finalement le dégagement est bon. Cela doit être le froid ou mes yeux, ou les deux.


On est à 0 - 2. L’ACC s’est renforcée et a engagé d‘anciennes connaissances….. le jeune Le Ho et le vieux Mao. Des joueurs qui ont changé leurs dents de lait pour des dents de loup…. .


Le blizzard s’est renforcé, mais il faut garder son sang-froid et prendre la piste vers le sud, vers Saint Goazec, en traineau à chiens, mené par notre musher Lapon. Rassurant. Sur le chemin, on croise des canards, normal il fait un froid de canard. Évident. Dans son échoppe la boulangère se caille les miches, le marchand de primeurs se gèle les noix, et le vannier se pèle le jonc. Légitimement. On traverse le canal au sud de Spézet, au lieu-dit Pont Triffen, là où l’épaisseur de la calotte glaciaire permet le passage du traineau et des chiens. Prudemment. J’entend les violons de l’orchestre du Titanic jouer « plus près de toi, mon vieux … » pendant que le beau bateau louvoie entre les icebergs gigantesques charriés par le canal. Émouvant. Les ours blancs se reposent près de la maison éclusière, repus après leur ventrée de bélugas dont les restes sanguinolents colorent en rouge les glaçons bleutés détachés de la banquise du Stang en Landeleau. Impressionnant. Des morses et des phoques plus moustachus que le motard cuir des Village People s’ébattent dans les eaux claires de l’Hyères en chantant « In the navy …. ». Attendrissant. Nous laissons une douzaine d’Inuits, des belon, traverser dans le passage pour piétons, devant l’auberge, attirés par l’odeur de citron et de vinaigre d’échalote. Etonnant. A Pont Mine, nous rattrapons le troupeau de caribous mâles qui avaient, sous nos yeux, brûlé le « stop » à Croas Houarn, en proie sans doute au rut hivernal. Surprenant. Nous arrivons à Saint Goazec sains et sauf, mais talonnés par une meute de loups de la toundra, en vacances dans le coin, sans doute, ou en stage de formation. Inquiétant. Nous voilà arrivés pour voir le match de la « A », la cloche du clocher, la Sankt Goazec Glocke, annonce notre arrivée à la population locale ainsi que les vêpres, la mort de Staline, la bataille de Roncevaux et la victoire d’Anquetil dans le Tour de France. Prévenant.


Le match est commencé. Et pis il est fini. 2 - 0. La journée fut grandiose, froide mais grandiose. Faut que j’arrête le vin chaud, ça me donne des drôles d‘idées. Ou c’est la cannelle qu’ils mettent dedans..Oui, ça doit être la cannelle…
Et pis on est rentré.
AN